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L'éditorial du Premier Secrétaire Fédéral (Octobre 2004)

En 2004, l’espoir a retrouvé force et vigueur : les français ont adressé un message fort au gouvernement et au chef de l’État : leur politique a été sanctionnée. Il est vrai que depuis deux ans, ce gouvernement démantèle les fondements mêmes de la cohésion sociale : l’égalité devant l’impôt, les soins, le service public. Il incarne une soumission pure et simple aux lois de la mondialisation libérale.

Raffarin et Sarkozy mènent une politique fiscale inégalitaire en multipliant les cadeaux aux foyers les plus aisés et aux entreprises : emplois à domicile, successions, suppression du prêt à taux zéro, baisse de l’impôt sur les sociétés, gel de la taxe professionnelle…

Après les trois belles victoires électorales (régionales, cantonales et européennes), alors que la gauche progresse au Sénat, nous sommes à un nouveau tournant de notre histoire. Le Parti Socialiste est porteur d’une formidable attente et d’une immense espérance au sein du peuple de gauche. La démarche de François Hollande est ainsi justement récompensée. Je souhaite le saluer pour son action à la tête de notre parti et notamment depuis notre terrible échec de 2002.

Le Parti Socialiste a une longue histoire, alternance de succès et de crises. Nous sommes fiers de cette histoire dont nous allons fêter le centenaire en 2005. Je crois toujours que le socialisme est réformiste et qu’être socialiste aujourd’hui, cela signifie changer le libéralisme de l’intérieur en le rendant plus juste, en lui imposant des règles et des lois.

« Gouverner, c’est choisir » disait Mendès-France. Si nous souhaitons revenir aux affaires, il nous faudra faire des choix et les assumer. Réaffirmer la tradition de la social-démocratie à la française en prenant le risque de la gestion. Car les français ne sont pas dupes et attendent qu’on leur parle vrai. Or la vérité, c’est que le fonctionnement de l’État - providence ne répond plus aux nécessités du temps. Pour sauver l’État, il faut le réformer.

Cela signifie-t’il le renoncement à changer la vie, à rendre la société plus juste et à renforcer le contrat social ? Bien au contraire. Le combat continue pour renverser le cours des choses, surtout quand celui-ci est à la fois injuste, inefficace et dangereux.

Le débat sur l’adoption du futur traité constitutionnel est un enjeu pour la gauche.
Ainsi, le projet que nous aurons à préparer pour 2007 ne sera pas identique selon le choix qui aura été fait de ratifier ou non le texte européen. Nous menons un débat public qui débouchera sur l’organisation d’un référendum interne en décembre. 

Tous les socialistes souhaitent que la construction européenne aille plus loin que ne le propose le traité constitutionnel. L’Europe que nous voulons a besoin de perspectives nouvelles. Certains pensent que la meilleure manière d’ouvrir ces perspectives est de refuser le projet de traité au risque d’ouvrir une crise. Ce saut dans l’inconnu est lourd de menaces : comment cette crise pourrait-elle déboucher demain sur des avancées?

A mon sens, quelles conséquences catastrophiques pour nous socialistes, qui nous retrouverions durablement placés sur les scènes nationale et européenne dans le rôle des eurosceptiques.

Réalisons bien que le choix que nous allons faire ne concerne pas seulement les socialistes français mais l’ensemble de l’Europe. Aujourd’hui, l’ensemble des partis socialistes européens soutient le traité constitutionnel, … sauf le PS de Malte ! On ne peut pas dire : soit l’Europe sera française, soit elle ne sera pas.

Je souhaite à chacun de se déterminer dans la sérénité, en conscience et en responsabilité. C’est le sens de ma réflexion personnelle qui engage le responsable politique que je suis, mais pas l’ensemble de la Fédération.
Je veillerai avec le bureau fédéral à organiser l’expression des différentes sensibilités.

Je pense qu’il nous faut savoir :
  • garder notre unité pour affronter nos adversaires politiques.
  • dépasser les ambitions personnelles.
  • ne pas décevoir celles et ceux qui nous ont accordé leur confiance en 2004 afin de nous conduire vers l’alternance en 2007.

Enfin, 4 autres raisons m’amènent à répondre OUI :
1)    Le traité présente des avancées :

Pour la première fois, un texte européen ne cantonne pas la construction de l’union à l’économie.

L’Europe politique, avec l’affirmation des droits du citoyen européen, notamment de la démocratie participative avec le droit de pétition citoyenne, le renforcement des pouvoirs du Parlement européen et l’extension des décisions à la majorité qualifiée. Ces éléments établissent les fondations d’une véritable démocratie européenne.

L’Europe sociale, avec l’émergence d’un gouvernement économique de la zone euro qui pourra faire contrepoids à la Banque centrale européenne, l’affirmation d’une prise en compte des exigences sociales par toutes les politiques communautaires, le renforcement du dialogue social, des compétences et du rôle des partenaires sociaux (ce qui a conduit la Confédération européenne des syndicats à approuver et soutenir ce traité), une base juridique conférée aux « services d’intérêt économique général » (version communautaire des services publics).
Ces éléments affirment avec force les ambitions sociales de l’Union autour de l’idée d’économie sociale de marché.

L’Europe puissance, avec le renforcement des capacités d’action pour la lutte contre le terrorisme et la criminalité, l’émergence d’une véritable défense autonome et d’une politique commune en matière de politique étrangère.

2)    Le texte ne nous interdit pas de mener à l’avenir une politique de gauche en France et en Europe.

3)    Le fonctionnement et le modèle européen ne sont pas figés dans le marbre ; il peut être révisé et dépassé.

4)    On ne pourra pas construire l’Europe après avoir répondu non.
Prenons le projet de traité constitutionnel  pour ce qu’il est : une étape importante d’une histoire européenne riche en accélérations et rebondissements. Notre débat doit porter sur l’Europe et sur l’identité du socialisme démocratique, exclusivement.

Pour 2005, notre feuille de route est tracée : écouter les français, faire émerger nos propositions à partir de nos convictions, travailler avec les partenaires de la gauche politique et associative, dénoncer la politique de casse sociale menée par le gouvernement.
Ensemble, nous réussirons !

 Loïs LAMOINE
Premier Secrétaire Fédéral